Cultiver et récolter des figues, des grenades, des kakis, des amandes et d’autres plantes exotiques comestibles? C’est maintenant possible en Suisse aussi. Avec les conseils de culture de Patricia Knür, jardinière spécialiste des plantes vivaces et des petits arbustes chez le spécialiste suisse des fruits Häberli.
L’hiver est la saison des fruits tropicaux, du moins si l’on considère l’offre courante des supermarchés. Mais faut-il toujours que ce soit des produits importés? Non, car les temps changent, et dans ce cas, il faut dire merci au changement climatique.
Grâce aux succès de la culture, la figue (Ficus carica) peut désormais mûrir dans des endroits considérés autrefois comme impensables. Les figuiers poussent déjà dans de nombreux endroits, sans mur de protection, sur des balcons, au milieu de jardins semi-ombragés et même dans la forêt. C’est possible en raison de la hausse des températures et des étés chauds. Le couple d’agriculteurs Andrea et Stephan Stocker le sait mieux que quiconque: en 2012, ils ont planté 160 figuiers dans le petit village de Greppen, au bord du lac des Quatre-Cantons. En l’absence de modèle, ils ont acquis leur savoir-faire auprès de producteurs de figues du sud de la France. Aujourd’hui, les Stocker récoltent environ 1,2 tonne de figues par an. Ils vendent ces fruits convoités directement à la ferme. Le reste est transformé en moutarde aux figues, en confiture de figues, en baume aux figues et en d’autres délicatesses disponibles dans leur propre boutique en ligne. En Allemagne comme en Suisse: Dans le village d’Ahlten, en Basse-Saxe (nord de l’Allemagne), le producteur de figues Roland Kempf récolte environ 2 tonnes de figues par an. La plupart de ses figuiers poussent dans une serre non chauffée, et 400 figuiers se trouvent à l’extérieur. Et le froid? «Il est pratiquement impossible de tuer un figuier», explique Roland Kempf. «Si la température descend en dessous de -15 °C, certains arbres gèlent. Mais beaucoup bourgeonnent à nouveau au printemps suivant.» Et le manque d’eau en été, est-ce un problème? «Le figuier n’a aucun problème avec la sécheresse», de dire Roland Kempf. «L’arbre enfouit sa racine principale dans le sol jusqu’à ce qu’il trouve de l’eau. Dans notre exploitation, cela correspond à 5 à 8 mètres.»
Conseil pour la culture: Le figuier est autopollinisant et préfère un emplacement ensoleillé, à l’abri du vent. La sécheresse ne lui pose aucun problème. Il existe en outre des variétés particulièrement résistantes au froid, comme Nordland ou Contesina.
La grenade (Punica granatum) est également une championne de la sécheresse. Sous nos latitudes, cette plante exotique peut se développer pour former un imposant buisson de plusieurs mètres de haut. En été, la plante se couvre de magnifiques fleurs orange. Il n’est pas rare que celles-ci évoluent en fruits. Sauf si l’automne est trop froid et pluvieux. Mais même dans ce cas, il vaut la peine de planter un grenadier, ne serait-ce que pour son feuillage décoratif et sa floraison enchanteresse!
Conseil pour la culture: Il est important de choisir un emplacement en plein soleil et à l’abri du vent. Les plantes adultes résistent à l’hiver jusqu’à environ -10 degrés. Pendant la période de floraison, il faut arroser et fertiliser le plant, en commençant par un engrais pour baies et du fer. Mais pas trop, sinon les fleurs ont tendance à tomber. Les grenadiers se plaisent aussi en pot. On peut les faire hiverner dans un endroit clair et frais.
Le changement climatique profite à une autre espèce exotique qui aime la chaleur: le châtaignier (Castanea sativa). Le pépiniériste Andreas Goldach a été l’un des premiers à planter environ 1 000 châtaigniers en Argovie, en 2012. Ce pionnier des châtaigniers en tire un bilan positif: «Le châtaignier est également adapté à nos climats. Nous récoltons environ une tonne de châtaignes par an.» Important à savoir: La culture des châtaignes demande de la patience et de l’espace. L’arbre ne porte ses premiers fruits qu’à partir de la dixième année. Les «petites» variétés disponibles dans le commerce spécialisé atteignent tout de même 8 à 10 mètres de haut. Pour de nombreux jardiniers amateurs, l’amandier (Prunus dulcis) devrait donc être plus intéressant. Son port gracile le rend également adapté aux petits jardins et aux pots. De plus, ses fleurs sont particulièrement jolies. Le bois des plantes plus âgées est très résistant à l’hiver.
Conseils pour la culture: Le châtaignier est pollinisé par le vent. C’est pourquoi il faut toujours au moins deux arbres; de préférence des variétés différentes. Cela augmente la production et permet d’obtenir de plus grosses châtaignes. Le châtaignier pousse aussi dans un emplacement partiellement ombragé, mais il préfère un sol légèrement acide. Les sols calcaires peuvent être rendus un peu plus acides avec du compost d’écorce et de la terre de bruyère.
Les amandiers sont autofécondés. Ils apprécient un emplacement ensoleillé et protégé du vent. En cas de risque de gel, on peut couvrir les fleurs (mars) avec un non-tissé. Cet arbuste gracieux pousse également dans un grand pot sur un balcon, à condition que le drainage soit adéquat, car les amandiers n’aiment pas l’eau stagnante.
Les fruits cultivés dans la région cueillis à pleine maturité ont un goût inimitable. Il en va de même pour la «banane indienne», aussi appelée asimine (Asimina triloba). Ce bel arbre solitaire au feuillage automnal jaune doré produit de gros fruits dont le goût rappelle un mélange de mangue et de vanille. Les fruits juteux ne se conservent pas, ils doivent être consommés immédiatement. Mais on peut aussi le congeler sous forme de pulpe pour le transformer ultérieurement.
Conseil pour la culture: S’il n’y a de la place que pour un seul plant dans le jardin, il faut absolument acheter une variété autofertile; sinon, il faut deux variétés différentes. L’asiminier est très robuste et résiste au froid, jusqu’à -15 degrés Celsius environ. Il a besoin d’un emplacement ensoleillé et d’un sol profond et bien drainé. La terre doit être pauvre en calcaire. Si nécessaire, aidez avec de la terre de bruyère et de l’engrais pour rhododendrons!
Le plaqueminier (Diospyros kaki) nous offre également d’excellents fruits. Cette plante au feuillage attrayant et brillant et aux gros fruits d’automne orange et dorés aime les sols perméables et riches en humus. Il lui faut en outre un emplacement chaud et ensoleillé, si possible à l’abri du vent.
Le topinambour est moins exigeant. Les basses températures ne dérangent absolument pas cette plante nord-américaine de la famille des papilionacées. Elle forme des rhizomes souterrains dont le goût rappelle la noisette, la châtaigne et la patate douce. Plante grimpante de grande taille, le topinambour a simplement besoin d’un treillis au soleil ou dans une zone mi-ombragée. Elle peut aussi être cultivée en pot, avec un drainage suffisant.
Conseil pour la culture: Les plaqueminiers sont des arbres robustes autogames (autofécondation). Certaines variétés résistent au froid jusqu’à -18 degrés. Le plaqueminier a néanmoins besoin d’un endroit ensoleillé et abrité, avec un bon drainage. Il a besoin de suffisamment d’eau pendant la formation des fleurs et des fruits. En cas de mauvais temps, on cueille les kakis non mûrs et on les laisse mûrir à température ambiante. La présence de pommes accélère la maturation. Les plaqueminiers poussent aussi en pot.
Du nord des Alpes à la mer du Nord, des jardiniers et des agriculteurs innovants cultivent de plus en plus de plantes exotiques comestibles, comme les patates douces. Ce légume racine très apprécié était jusqu’à présent importé en grandes quantités, principalement des États-Unis. Toutefois, l’agriculteur Matthias Hagen cultive la patate douce depuis plusieurs années en Thurgovie. Sa conclusion? «Cela vaut vraiment la peine, même si la patate douce n’est pas la plus facile à cultiver», dit-il. «La période de culture est courte, car la plante n’aime pas les températures inférieures à 10 degrés. C’est pourquoi, après la récolte, nous les laissons mûrir à une température de 27 °C.»
Il faut aussi de la patience et du savoir-faire pour cultiver le gingembre. Malheureusement, jusqu’à présent, le tubercule devait être importé par avion de pays exportateurs, comme l’Inde, la Chine ou le Nigeria. Mais le cultivateur Stephan Müller de Steinmaur, du Zürcher Unterland, a réussi à cultiver ce tubercule piquant en qualité bio en Suisse également. Dans ses serres non chauffées, il récolte jusqu’à 20 tonnes de gingembre (Zingiber officinale) par an. Il le vend dans deux magasins à la ferme, dans des commerces spécialisés et de gros, ainsi que sur sa propre boutique en ligne. Mais cela n’a pas été si simple, car il faut trouver la bonne température et l’humidité correcte. Peut-on également cultiver le gingembre dans le jardin ou sur le balcon? «Difficile», indique Stephan Müller, «Le gingembre est une diva, qui apprécie un climat constant. Si le changement climatique est rapide, le gingembre pourra être cultivé en plein air d’ici quelques années.»
D’une façon ou d’une autre, nous pouvons déjà nous attendre à voir d’autres plantes exotiques: en Argovie, on cultive désormais du sorgho africain; en Suisse romande, Niels Rodin récolte plus de 150 variétés d’agrumes, et la coopérative de sélection des semences de Flawil (SG) a récemment cultivé des graines de chia qui fleurissent et mûrissent également sous nos latitudes.